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Vendredi 24 janvier prochain à 19h00, ELECTRIC RESCUE nous fait le plaisir de nous offrir un nouveau DJ set pour E-Kwality Radio.
Voilà plus de 30 ans que cet hyper-actif s’est mis au service de la musique et de la techno. Longtemps GO (« gentil organisateur » NDLR) des soirées EL.UE puis PLAY, mais aussi à la tête de son premier label Calme records ou résident pendant 23 ans au Rex Club de 1997 à 2020, cet infatigable passionné fourmille aujourd’hui toujours autant d’idées et d’énergie (voire encore plus !) pour mettre au cœur de ses priorités et faire valoir l’univers qu’il aime tant : la rave. Son activisme de serviteur humble de la reine techno ne s’est jamais démenti, et s’est même d’ailleurs considérablement élargi depuis l’aube des années 2010 pour devenir aujourd’hui, à l’instar d’un Laurent Garnier ou d’un Manu le Malin, l’un des représentants les plus emblématiques et indispensables de la scène techno française. Avec toujours ce maître-mot comme ligne directrice : sincérité.
Il nous a accordé un peu de son temps pour revenir longuement sur ses nombreux projets passés, en cours et à venir, dans un échange qui transpire la passion, l’optimisme et l’amour de la musique. Une interview-fleuve qui fait du bien et pleine de fraicheur. Et on ne boude pas notre plaisir !
Rencontre donc avec le patron de Skryptöm records, ELECTRIC RESCUE.
E-KWALITY RADIO : Salut Antoine ! Peux-tu te présenter en quelques mots ?
ELECTRIC RESCUE : Hello ! Je suis un touche-à-tout de la musique électronique : musicien, DJ, organisateur de soirées, programmateur de clubs et festivals, développeur d’artistes, fondateur et développeur de labels, animateur radio, créateur de projets d’art numérique. Bref, tout ce qui touche de près à la musique électronique me passionne et je m’engouffre dans les projets qui m’excitent.
EKR : Quels sont tes premiers souvenirs musicaux (tous styles confondus) ?
ER : Je pense que c’est « Beat It » de Michael Jackson en souvenir direct pour moi. Mais ma famille m’a dit que dès l’âge de 3 ans, j’usais déjà les disques de la famille à les écouter et me les repasser en boucle. Apparemment c’était intense ! 🙂
Je me suis ensuite improvisé des fausses émissions de radio dans ma chambre (ça je m’en rappelle). Je me fabriquais des K7 compiles de mes morceaux préférés (ça aussi je m’en rappelle et puis tout le monde l’a fait je pense à l’époque). J’organisais aussi des booms dans les maisons de mes potes voisins, on était une dizaine à chaque fois. Et puis est vite arrivé la musique électronique avec le break-dance, mais aussi la musique new age et Jean-Michel Jarre, les ancêtres de l’ambient et c’était parti. Et puis bim !! Depeche Mode. Et là j’ai su que la musique était une passion.
EKR : Te souviens-tu de ta première « claque » musicale ?
ER : Bah dès le début je me prenais des tartes ! Je ne captais rien parce que je ne suis pas issu d’une famille musicale et tout cela restait de l’amusement et du plaisir. Mais quand Depeche Mode, la new age et la new wave sont arrivés, j’ai compris qu’il se passait quelque chose de spéciale en moi. Mais encore une fois, n’étant pas d’une famille de musiciens, je ne comprenais pas que cela allait devenir une obligation, un truc vital, un truc qui est devenu le moteur de ma vie.
Crédit photo: Zepiral
EKR : Tes premiers pas derrière les platines et les machines, c’était quand et à quelles occasions ?
ER : J’achetais beaucoup de musique pendant les années 80, j’avais entre 13 et 16 ans. J’ai même eu les premiers disques de house avec un de mes potes de l’époque. Des disques bizarres qu’il avait ramenés de Londres, de la house. Il n’y avait pas encore la techno à l’époque. Puis on a entendu parler d’un club, le Boy. A l’époque, on écoutait aussi du hip-hop, de la new wave, de l’indus, Front 242, Art of Noise, tous ces trucs de l’époque se mélangeaient. On allait aussi faire des graffitis dans une usine désaffectée derrière chez nous, en faisant du skate et du BMX, tout se mélangeait dans nos têtes, nous étions en pleine recherche d’identité. Et bim ! On arrive au Boy et là, c’est la révolution : dark room, stroboscopes, fumée, disques incroyables, DJ’s de fou… Tout ça nous passionnait.
On arrive ensuite en aout 1990, j’achète des platines et c’est parti. Deux ans plus tard, j’officie dans les raves parisiennes comme Mozinor où j’ai pu jouer deux fois, etc … Trois ans après, j’achète mon premier synthé et il m’aura fallu beaucoup de temps pour en sortir quelque chose car, comme je le disais tout à l’heure, n’étant pas issu d’une famille d’artistes, je suis parti de zéro.
EKR : Tu as créé Skryptöm records en 2006 qui va bientôt fêter sa 100ème sortie. Comment a évolué le label durant ces années et comment envisages-tu son avenir ?
ER : Il a toujours eu sa même base, j’ai d’abord créé un premier label « Calme » records paradoxalement, puisque c’était de la techno rave. Je me suis fait la main avec dès 1997 et j’ai vu évoluer 3 labels qui ont créé mes fondamentaux : Underground Resistance pour le côté rave sans concession, son intégrité ; F Communications pour son esprit de famille de vrai label développeur ; et Warp pour son côté recherche avant-gardiste de musique du futur. Tous ces ingrédients ont forgés premièrement mon parcours et, deuxièmement, ma vision du label en parallèle de mon apprentissage avec calme records pour donner Skryptöm qui va fêter ses 20 ans en 2026.
Skryptöm, c’est un vrai groupe global où je fais rencontrer les artistes les uns avec les autres au mieux que je peux. Un peu moins en ce moment car moins le temps avec tous les projets connexes que je peux avoir, mais toujours avec ce même fond d’action de découverte, défrichage, développement, entraide, esprit d’équipe, de partage et générosité, toujours la même ligne directrice et le même état d’esprit. Après, c’est la musique qui évolue au fil du temps, en fonction des envies, des tendances qui donnent des ingrédients, jamais à la mode mais toujours frais. Pas de concession, que de la qualité, de l’humain et une identité sonore à elle, la rave, la recherche sonore pas comme tout le monde, de la mélancolie, de la texture, une patte. Jamais deux artistes identiques, ça ne sert à rien. Je ne suis pas un fabricant de pompes qui reproduit, je suis un défricheur qui va chercher des artistes uniques et qui viennent élargir à chaque fois un peu plus la palette du label, pour apporter quelque chose à eux dans cette musique électronique. On doit apporter à chaque fois une petit pierre à l’édifice électronique en toute humilité, à notre petit niveau, mais on doit apporter quelque chose à cette musique pour la lui rendre, avec tout le bonheur qu’elle nous apporte, on peut bien faire ça au moins 🙂
Crédit photo: Sébastien Thomas
EKR : Tu as également des projets artistiques, comme W.LV.S avec Manu Le Malin, Möd3rn avec Moteka et Kmyle, ton alias « electronica » Re.kod ou encore LAVAL toujours avec Kmyle. Peux-tu nous parler un peu du processus créatif de ces formations ?
ER : Alors avec Manu, ce sont deux ravers sans âge et sans limite qui se retrouvent en studio pendant des jours et doivent en sortir le track ultime. Tout fait à 50/50 dans la sincérité et le partage, le vivre ensemble. Avec Manu, c’est le frère de sang, à la vie à la mort. Il est comme ça Manu. Il est droit, honnête. C’est que du 100% avec lui, tu ne te poses pas de questions, tout est clair. On s’enferme chez lui ou chez moi, jusqu’au bout et quand tu sors du studio, tu sais que tu tiens un truc.
Avec Möd3rn, la distance nous oblige à nous retrouver dans un studio et on fait du live non-stop pendant des jours, comme si on était sur scène et on enregistre toutes les pistes séparées. On met tout ça dans nos disques durs et on repart chacun chez soi avec ces pistes enregistrées « sur scène » et chacun en fait des interprétations perso. Puis on centralise au bout de quelques semaines tous les morceaux qui en sont sortis et on choisit ensemble quels sont ceux qui iront sur disque ou sur démo, et on envoie.
Pour Re.kod, c’est isolation du monde, puis mise en situation de rêverie et de lâcher prise. Il n’y a pas de barrière. Je suis dans mon studio à la campagne et je cherche, je fouille, j’expérimente, j’invente, je détourne des machines de leur usage de base, je fais grincer des objets, j’enregistre la nature ou d’autre choses, je cherche de la matière. Puis je compose, je mélange, je fais appel à des instrumentistes, chanteurs, rappeurs, et je pars dans un voyage de création électronique et acoustique sans aucune limite.
Pour Electric Rescue, je me mets en mode rave : je suis aux platines et j’imagine les gens devant moi. Et je dois leur procurer un maximum d’émotion fortes et énergiques.
Quand c’est pour LAVAL avec Kmyle, c’est la même chose que Electric Rescue mais avec encore plus d’émotions mélancoliques et de sensibilité.
Pour les autres projets, que ce soit avec Gaspar Claus pour le mélange de musique classique et électronique, ça se rapproche plus du travail de Re.kod ou Electric Rescue, en mode ambient expérimental. Et après, à chaque projet je m’adapte à l’artiste de collaboration. J’adore ça partager avec des artistes, apprendre d’eux et leur donner beaucoup.
EKR : un(e) artiste que tu aimerais vraiment signer sur Skryptöm et qui n’est pas encore passé sur le label ?
ER : Bah je suis déjà bien gâté ! J’ai eu Laurent Garnier, Inigo Kennedy, Ben Sims, Pan Pot, Anthony Rother, Dubfire, Rrose, Umwelt, Marc Houle, Zadig, Joton, Voiski, DJ Hell, Anné, Popof, Julian Jeweil, Traumer, Maxime Dangles, et tant d’autres. Ça va être difficile d’aller plus loin… Peut-être Jeff Mills ? Kink ?
Je travaille Benjamin Damage au corps en ce moment ! Ahahah !! Mais j’ai déjà eu du beau monde. Mais en même temps, je suis tellement passionné et insatiable qu’il y en a beaucoup. J’ai déjà beaucoup de chance.
Crédit photo: Sébastien Thomas
EKR : Tu es également directeur artistique du Kilomètre25, des After O’Clock au Glazart, ainsi que du Mia Mao qui vient d’ouvrir ses portes. Quelles sont les difficultés pour proposer des plateaux avec un spectre large et original et fidéliser le public ?
ER : Paris est une chance et un inconvénient. Cette ville est énorme et te permet d’avoir un large public et en même temps elle engendre une concurrence folle, parfois insoutenable. Il y a tellement de beaux projets de clubs, de warehouses et de festivals à Paris. C’est aujourd’hui à mon avis la plus grosse ville techno au monde. Je sais que ce que je dis là va en faire sourire certains, qui trouvent toujours que l’herbe est plus verte ailleurs. Mais il suffit simplement de regarder : rien que sur La Villette, on a une vingtaine de clubs et open air electro, et oui ! Plus tout le reste de la région parisienne. Vous imaginez, entre les concurrents, les exclusivités, et tous les autres contraintes qu’on ne va pas lister ici.
Donc la grande difficulté est de pouvoir programmer tout ce qu’on veut. Il y a des artistes dont je suis fan ou pas, mais qui sont essentiels à cette scène que j’ai beaucoup de mal à avoir. Même si j’ai la chance d’être connecté à la techno mondiale et parfois de manière personnel, ce n’est jamais facile avec des gens qui vont proposer des sommes folles ou demander des exclus absurdes. Ou des gens qui disent des choses fausses sur toi pour te dévaloriser et récupérer des artistes pour eux. D’autres programmateurs avec des égos sur-démesurés qui se font mousser et se font passer pour des programmateurs ultimes à coup de promo. Bref, pour moi seuls les programmateurs créatifs, inventifs et honnêtes sortent du lot et il y en a. Bien sûr, je ne donnerais ni les noms des uns ni des autres, mais j’en chie à faire de belles progs ! Et aussi je me marre beaucoup en regardant les attitudes humaines des gens dans ce milieu de la musique, de la nuit. Ce milieu est comment dire… A l’image de la rue, à l’image de la nature humaine 🙂
EKR : Au-delà de toutes tes activités actuelles, y-a-t-il un ou des projets que tu souhaiterais développer ces prochaines années ?
ER : Oui, j’ai un gros projet dans les tablettes, je ne l’ai pas lâché ! je travaille encore dessus. Je devais le faire au Nexus (NDLR : il fut co-fondateur du club en 2019-2022) et ça n’a pas pu se faire. C’est un institut de la culture électronique avec une école, des studios, une radio, un studio vidéo, une salle d’art numérique et de son 3D, et d’autres activités. J’ai récemment visité deux lieux mais ils ne sont pas adaptés. Je suis encore en recherche, ça se fera un jour parce que je me connais, quand j’ai un truc en tête je ne l’ai pas ailleurs (Qu’est-ce que j’ai pu entendre cette phrase de ma famille avant en parlant de moi ! Et je dois dire que c’est vrai, le mec est déter !). Je fouille, je patiente, j’observe. En réalité, le projet est bouclé tant en business plan qu’en projet détaillé, j’ai un dossier de 50 pages prêt et qui m’avait servi pour le Nexus et que je réadapterai au lieu que peut-être je croiserai un jour. J’avais la Sacem derrière moi, les autorités locales, des sponsors, …. Il me faut un lieu de 500 à 1000m² et let’s go ! Si en plus il y a un petit club de 500 personnes dans l’ensemble, alors là…
Crédit photo: Sébastien Thomas
EKR : La musique et l’industrie de la scène électronique ont beaucoup changé ces dernières années. Qu’est-ce que tu en retiens ?
ER : Que de la com ! Niveau musique, c’est pas hyper créatif sur le tout-venant, malgré qu’il y ait plein de trucs super intéressants et créatifs. Mais pour le gros de la scène, essentiellement hard techno, bah pour moi c’est l’antithèse de la techno. C’est l’uniformité et donc la fermeture d’esprit, tous les DJ’s sont pareils tant physiquement, que musicalement, que les fringues qu’ils portent, ils sont tous pareils. Aucune créativité que de la reproduction. Ce qui plait dans la techno habituellement c’est le fait d’être unique, différent, d’apporter sa patte à cet ensemble, d’être créatif, inventif, dans l’avant garde, ce qu’il va se passer après-demain. Cette scène hard techno est devenue la nouvelle EDM et ne m’intéresse pas du tout.
Par contre, il y a une nouvelle scène underground, tant dans la techno que dans les autres musiques qui est passionnante et c’est celle-ci que je regarde, que j’aime, que je décortique, analyse, étudie les codes, et qui va faire progresser les choses. Je reste très optimiste créativement parlant. Et la scène est déjà en train de se scinder en deux : l’hard EDM d’un côté et la musique plus pointue qui m’a toujours animé de l’autre.
EKR : Quel(le)s sont les artistes qui te chatouillent joliment les oreilles en ce moment ?
ER : Laisse tomber ! On va pas rentrer là-dedans, sinon on va remplir l’équivalent d’un botin. Je suis débile là-dessus, je kiffe trop de trucs. Et puis je ne me sentirais pas bien d’en oublier. Donc laisse tomber et vient écouter mon émission « On Refait Le Mix » tous les jeudis soir sur Galaxie FM 95.3 dans le nord de la France et sur la Belgique, ou bien sur le net comme sur mon Soundcloud par exemple. Et là, je te ferais découvrir avec mes trois copains Noise Catalog, Zak Brannigan et Fortnum plein de belles musiques 🙂
EKR : Peux-tu nous parler un peu du DJ set (et de son orientation) que tu nous proposes pour E-Kwality ?
ER : Bah te sachant de Brest, toi fondateur de E-Kwality, et ami de la famille Astropolis, je me suis dit plutôt que de te fournir un DJ set lambda, viens enregistrer dans notre famille commune un set de moi en train de jouer pour Astropolis, il n’y aura pas plus vrai, sincère et authentique que ça. Un voyage dancefloor techno made in Astropolis BZH (NDLR : on vous confirme que ça s’est fait comme ça🙂).
EKR : Un dernier mot ?
ER : Digger
ELECTRIC RESCUE SUR LE NET :
Écrit par: E-Kwality Radio
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